Thermographie : 4 mythes expliqués pour y voir plus clair

Legault-Dubois, CHRONIQUE HABITATION

À chaque hiver, alors qu’un vent sibérien siffle à l’extérieur, on nous présente le traditionnel reportage sur les inspections par imagerie thermique. À entendre parler les pseudo-experts qui nous présentent ces drôles d’images rouge et bleu, il n’y a pratiquement rien qu’ils ne peuvent pas voir avec leur caméra. Pourtant, à moins de faire appel à Superman, aucune caméra thermique ne peut voir au travers des murs.

Une caméra thermique permet de voir dans les murs

Faux. Aucune caméra n’est capable de voir à l’intérieur des murs sans qu’une ouverture ne soit pratiquée. Les pouvoirs des caméras thermiques s’arrêtent à la surface de l’objet qu’elle cible. Ainsi, les images révèlent une température de surface approximative provenant d’un calcul savant considérant à la fois la température réfléchie, transmise et émise. Mais même si elles ne parviennent pas à voir au travers des cloisons sèches, les caméras thermiques demeurent un moyen non-destructif de relever des indices de ce qui se passe à l’intérieur d’un mur.

Une inspection thermographie élimine le risque de vice caché

Faux. Comme n’importe quelle inspection, une évaluation à l’aide de l’imagerie thermique a ses limites et il serait exagéré d’émettre une telle affirmation. Son utilisation permet de visualiser les variations de température. Par conséquent, il est possible d’obtenir un aperçu des problématiques qui se traduisent par des écarts chaud/froid (fuites d’eau actives, lacunes au niveau de l’isolation, défectuosités électriques, etc) mais pas plus. Si la maison que vous voulez acheter est aux prises avec un grave problème structural, l’imagerie thermique ne pourra pas vous aider à le diagnostiquer. Pour identifier un tel problème, l’inspecteur doit se fier à une panoplie d’autres indices qui peuvent lui révéler son existence. Autrement dit, bien qu’elle puisse être utilisée au cours d’une inspection préachat, l’imagerie thermique ne remplacera jamais le sens de l’observation, le discernement et l’expérience d’un bon inspecteur.

Le soleil fausse les données

Vrai. Mais si la lumière du soleil n’influence pas l’utilisation de la caméra, il en va autrement pour sa chaleur qui peut augmenter la température du revêtement extérieur d’une maison. Plus encore, la chaleur solaire peut faire varier la température d’un mur de maçonnerie jusqu’à plusieurs heures après le coucher du soleil, par exemple. Il faut en tenir compte lors de l’interprétation des images prises afin d’éviter les faux diagnostics comme croire qu’un mur est mal isolé et qu’il laisse passer beaucoup de chaleur de l’intérieur vers l’extérieur alors que ce n’est pas le cas.         

N’importe qui peut utiliser une caméra thermique.

Vrai. N’importe qui peut se procurer une caméra thermique et s’improviser thermographe si le cœur lui en chante puisque, bien entendu, rien ne réglemente sa possession. Mais le fait de détenir une telle caméra ne fait pas du possesseur un thermographe accrédité et expérimenté pour autant et c’est justement là que se trouve le piège pour le consommateur. Certes, l’accréditation prouve que l’utilisateur est en mesure de bien utiliser les divers fonctions et paramètres de son appareil, mais il en faut plus pour faire un bon thermographe. Pour un expert en bâtiment d’expérience, la caméra thermique est un outil parmi tant d’autres, mais elle n’est rien s’il est incapable de faire la corrélation entre les images obtenues et la multitude de facteurs qui influencent le bâtiment à chaque instant.

En fait, imaginez que vous vous fracturez le bras. Le technicien en radiologie vous installe sous la machine, appuie sur quelques boutons, fait les ajustements requis puis prend quelques clichés. C’est ici que se termine son champ d’expertise et que débute celui du docteur, le radiologiste. Il interprètera les radiographies, vous dira quel est la nature du problème et comment y remédier. Et bien un bon thermographe se doit de tenir à la fois le rôle de technicien en radiologie et du radiologiste, car il doit manipuler la caméra et en interpréter les images reçues.

Legault-Dubois, CHRONIQUE HABITATION

Comportements abusifs de certains courtiers immobiliers

Plusieurs inspecteurs en bâtiment dénoncent le comportement de certains courtiers immobiliers qui les empêche de faire leur travail.

François Dallaire, Radi0-Canada
La vie d’Anastasia Luckenuick a été bouleversée après l’achat malheureux d’une maison à revenus, près de Rivière-du-Loup, sa ville natale. Cette fâcheuse expérience l’a conduite à quitter sa carrière d’infirmière pour devenir inspectrice en bâtiment. « Je suis rentrée dans une cascade de cauchemars, de vices puis de malfaçons, déplore-t-elle. C’est là que j’ai eu le déclic. Je vais amener de la rigueur et de la compétence en inspection. »
Détentrice de plusieurs diplômes reliés à l’inspection, membre de l’Association des inspecteurs en bâtiment du Québec, elle veut éviter à ses clients de vivre ce qu’elle a vécu. Je veux que mes clients soient bien encadrés. C’est pour ça que je fais l’inspection.
Des inspecteurs indésirables
Après s’être bâti une clientèle, le nombre de ses inspections a diminué sans raison apparente. Tout s’est éclairci lorsqu’un courtier l’a appelée. Il a dit : « Anastasia, on ne se voit pas en inspection parce que tu nous fais peur. On s’est concertés [les maisons de courtage] et on ne veut pas t’avoir en inspection ».
L’affirmation est plausible, car après la diffusion d’un reportage sur un sujet similaire l’an dernier, La facture a reçu des courriels qui vont dans le même sens provenant d’inspecteurs dispersés dans différentes régions du Québec.
Voici quelques extraits :
Je peux vous dire qu’il y a bel et bien une liste noire pour les inspecteurs qui font leur travail correctement. – Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson

Les courtiers n’aiment pas certains inspecteurs trop rigoureux et ne se cachent pas pour le faire savoir à leurs clients. – Gatineau

Les courtiers immobiliers aiment un inspecteur en bâtiment qui n’explique pas trop les problématiques observées. – Laurentides

L’un d’eux est Nicolas Leblanc, président de Holispec, une entreprise située dans la municipalité de Saint-Hubert. Ce n’est malheureusement pas un cas isolé, regrette-t-il. Moi, je suis la cible de ça également. Certains courtiers vont dire : « Holispec ne rentre pas ici. Si vous amenez Holispec, on n’accepte pas votre offre d’achat ».

Joël Charron connaît bien la Loi sur le courtage immobilier, car il est à la fois avocat, courtier et président fondateur de l’Académie de formation immobilière du Québec. Ces cas d’intimidation ne sont pas acceptables, dit-il. C’est pas déontologique. En vertu du règlement sur les conditions d’exercice [de l’activité de courtage], le travail [de courtier] doit être empreint d’objectivité. Il ne peut pas s’immiscer dans ce processus-là.

Une clause non conforme à la loi?
Mais revenons à Rivière-du-Loup. Dans cette région, les courtiers de la firme Proprio Direct ont ajouté une clause qui apparaît sur chacune des fiches détaillées des maisons à vendre par cette agence. Il est clairement écrit : le vendeur se réserve le droit d’accepter ou non le choix de l’inspecteur de l’acheteur.

Selon Joël Charron, cette clause n’est pas conforme à la Loi sur le courtage immobilier. On vient restreindre le droit à l’acheteur de choisir son propre inspecteur en bâtiment. C’est contraire aux règles d’éthique et ça manque d’objectivité. Il soupçonne une intention malveillante derrière cette clause. Si on interdit certaines personnes, c’est qu’il y a des motivations quelconques pour restreindre certaines personnes à procéder à une inspection.

L’Organisme d’autorégulation des courtiers immobiliers du Québec (OACIQ) ne croit pas que la clause soit illégale. Si c’est pour écarter des inspecteurs qui sont trop rigoureux, on a un problème, explique Caroline Champagne, vice-présidente de l’OACIQ. Mais la clause en soi n’est pas illégale et l’acheteur a le loisir de la refuser.

Mais plusieurs clients d’Anastasia Luckenuik ont préféré annuler leur inspection plutôt que de risquer de perdre la possibilité d’acheter la maison convoitée.

Immoral
Dans cette région, Anastasia Luckenuick n’est pas la seule inspectrice à se plaindre notamment des courtiers de Proprio Direct œuvrant à Rivière-du-Loup. L’Association des inspecteurs en bâtiment du Québec (AIBQ) a porté plainte au syndic de l’Organisation des courtiers immobiliers du Québec au nom d’un autre inspecteur.
Des mots très durs ont été employés pour décrire l’attitude de ces courtiers, tels que : tromperie, apparence de collusion, manquement à la déontologie, immoral, une honte pour la profession de courtier.
C’est intolérable et c’est condamnable, lance Denis St-Aubin, président de l’AIBQ. Cette méthode de travail de cette agence est inacceptable. Ce sont des méthodes trompeuses, diffamatoires et qui ne seront pas tolérées de l’Association.

Nous avons demandé à la direction de l’agence si elle approuvait le libellé de la clause.

« Proprio Direct n’a jamais donné aux courtiers immobiliers ni aux employés de l’agence des directives les autorisant ou les incitant à bannir, boycotter ou diffamer les services d’un professionnel. Par ailleurs, les courtiers Proprio Direct ne sont en aucun cas autorisés par l’agence à agir à l’encontre de la Loi sur le courtage immobilier, ses règlements, et la loi en général. »

— Une citation de Guylène Lominy, dirigeante, Proprio Direct
Une source nous confirme que le syndic de l’OACIQ enquête présentement sur la plainte de l’AIBQ. Advenant le cas où des infractions déontologiques sont commises, on va déposer une plainte disciplinaire. Puis ce sera au comité de discipline de se prononcer, affirme Caroline Champagne, vice-présidente de l’OACIQ.

Anastasia Luckenuick a quitté le Bas-Saint-Laurent et œuvre maintenant dans la région métropolitaine. Je suis partie parce que ma santé en dépendait. Ce n’est pas vrai que je suis une mauvaise inspectrice et c’est pas vrai que je vais fermer mon entreprise.

Le reportage de François Dallaire et de Nancy Lambert est diffusé à La facture le mardi à 19 h 30 et le samedi à 12 h 30 à ICI Télé.